LA SYMBOLIQUE DU MASQUE COVID

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DE QUOI LE MASQUE EST-IL LE NOM EN 2020?

 

Article par Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay

 

L’année 2020 sera durablement associée au masque. C’est l’occasion de se pencher sur cette question, car l’imaginaire du masque jalonne les sociétés humaines depuis ses origines. Il structure les relations entre l’individu et le collectif, et apparaît à ce titre comme un marqueur d’époque. C’est un objet qui révèle la nature des interactions personnelles et des enjeux politiques dont une société a besoin. De quoi le masque est-il le nom en 2020? Pour y répondre, voici un rapide tour d’horizon de trois grandes conceptions à travers l’histoire.

 

Le masque courtois : entre cosmétique et savoir-vivre!

 

C’est le jésuite Baltasar Graciàn qui en parle le mieux en 1647 dans son ouvrage «L’homme de cour». Chacun individu doit répondre à deux obligations pour vivre en paix avec les autres sans renier ce qu’il est : adopter des normes communes et exprimer son propre intérêt. A cette époque, il dessine la notion très moderne de masque social, un ensemble de règles de bienséance qui sauvent les apparences pour arriver à ses fins. On parlerait aujourd’hui d’apparence, de ruse ou d’opportunisme, mais il s’agissait à cette époque d’échapper au pouvoir absolu du Roi et de Dieu pour faire exister sa propre singularité.

Le masque courtois est en phase les valeurs baroques de son époque, c’est une création de soi: ni totalement moi, ni totalement un autre. Il manie les injonctions paradoxales de l’individu et du collectif, pour arriver au juste gouvernement de soi et à un art de vivre social. Être soi-même dans le regard de l’autre: c’est la raison d’être de la cosmétique et du savoir-vivre!

 

Mais cette conception a peu à peu disparu ces dernières années. On parle d’autant plus de «vivre ensemble» que les règles sont devenues floues. Et il n’a échappé à personne que les dépenses cosmétiques en France sont en baisse depuis plusieurs années (Source Kantar). La crise de la représentation ne concerne pas uniquement la démocratie. Elle s’applique aussi à la représentation de soi. D’autres masques ont pris le relais.

 

Aujourd’hui, nous assistons à une disjonction du binôme «individu / collectif». Soit le masque est libérateur pour échapper aux injonctions des rôles sociaux. Soit il est égalisateur pour renforcer la puissance d’une entité ou d’un chef. Mais ce n’est plus une hybridation des deux.

  

L’obligation du port du masque suite à la crise du corona virus

 

Le masque libérateur : subversif, personnalisable et singulier

 

C’est celui du carnaval, de l’avatar, du filtre Instagram, de Mask Singer ou des superhéros Batman et Superman avec la culture cosplay. Il est individuel, personnalisable, singulier. Il permet de s’affranchir des places sociales assignées et du fonctionnel. Le masque ritualise la séparation avec les contingences du réel. Il offre l’occasion de vivre une autre vie, de mettre du singulier dans le monde anonyme, de renverser les rôles. Il nous libère des injonctions et des aliénations. Ce besoin de masque libérateur voire transgressif a été porté par le début de la révolution digitale des années 2000 / 2015 qui véhiculait encore une promesse d’affranchissement.

 

Le masque égalisateur : disparition de l’identité individuelle et du libre arbitre

 

C’est celui de la Casa del papel, des Anonymous, du mouvement Joker, des black-blocs… et bien sûr de la lutte contre le covid. De quoi sont-ils le nom ? Ils effacent tous l’identité individuelle et le libre arbitre, y compris dans les mouvements de rébellion subversive. Les masques suppriment les différences pour cloner la même allure sur chacun. Ils obéissent aux injonctions d’un Dieu, d’un chef, d’une idée, d’un Etat qui surfent sur les espoirs et les peurs du moment.

 

L’époque est devenue intolérante aux différences, et l’égalitarisme semble plus désirable pour compenser symboliquement les écarts sociaux abyssaux. Au-delà des raisons de santé publique, le désir de masque égalisateur agit comme un calmant aux angoisses contemporaines. La distance avec l’autre nous évite de gérer la rivalité, la compétition, la comparaison. Il est aussi ce qui fait écran à la bouche, siège de la libre parole. Comme le rappelle Hannah Arendt, ce sont les sociétés atomisées qui fournissent les bases du système totalitaire où chacun est prié de laisser au vestiaire son libre arbitre.

  

La place du masque dans l’avenir des français suite au covid-19

 

Et le masque sanitaire liée au covid-19?

Une contrainte qui devient un accessoire de mode

 

La raison nous pousse à porter des masques hygiéniques pendant un laps de temps. Mais l’Histoire est un éternel recommencement de cycles qui se superposent. Nous aurons fait une révolution (retour au point de départ), lorsque nos masques égalisateurs deviendront des masques courtois. Comment transformer la contrainte hygiénique en expression de soi? En faisant des masques un objet de créativité, de mode et d’expression personnelle. Cela parait bien anecdotique, et c’est pourtant la meilleure façon de montrer l’expression de ce que nous sommes dans l’espace public. Il n’y a pas de petite résilience!

 

Et comble de la coïncidence, au moment où cet article a été écrit, le magazine Gala propose unnuméro spécial avec des masques de créateurs! Quand la réflexion rejoint la mise en oeuvre quasi immédiate, c’est magique !

 

Bien raconter son époque, c’est d’abord la comprendre. Ça tombe bien, c’est la devise de Storymind.

 

Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay

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