L’APRES COVID N’EXISTE PAS

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QUE PENSER DES ETUDES MARKETING QUI DÉCRIVENT UNE RUPTURE POUR L’APRES COVID?

Elles font trop confiance au déclaratif trompeur

 

En ces temps troublés de crise sanitaire et de confinement, beaucoup d’études et d’analyses sont publiées soit pour annoncer l’effondrement mérité, soit pour promettre un nouveau monde pavé de bonnes intentions. Il faudrait choisir entre la punition démoniaque et les valeurs chrétiennes subitement réhabilitées. La réalité est toujours un entre deux qui échappe à l’angle mort du dogmatisme.

 

Les crises ne créent rien ex-nihilo. Elles ne font qu’intensifier les fractures qui leur préexistent. Il faut donc aller chercher du côté des données recueillies en 2019 pour comprendre ce qui est en jeu, et dessiner des scénarios crédibles pour 2021 / 2022. On pense qu’il n’y aura ni un monde d’avant, ni un monde d’après. Il y aura juste une évolution plus marquée de ce qui est déjà en place depuis quelques années. Avec surtout un monde «avec», car cette crise ne va pas disparaître tout de suite.

 

La nature humaine n’est pas une pâte malléable qui se transforme en quelques mois, et qui est sur la même longueur d’onde que le volontarisme marketing en mal de sens (green, solidaire, inclusif). De nombreux réflexes humains restent intemporels, quelles que soient les époques. Je me souviens d’ailleurs d’une tribune publiée dans les Echos par Michel Levy-Provençal, président de Boma France (27/01/2020).  Son propos était très simple: les scénarios du futur ne seront pas déterminés par les ruptures politiques et technologiques mais par les invariants anthropologiques.

 

  

Les consommateurs imaginent un après Covid utopique

 

Une confusion entre désir et réalité, être, dire et faire

Une consommation citoyenne qui ne sera pas accessible à tous

 

Ces dernières semaines, nous avons vu tous passer des résultats d’études utopiques sur l’après Corona. On a pu lire que la société de l’après sera plus solidaire, plus vertueuse, plus green, plus locale… Evidemment, ça n’arrivera pas massivement! Car la France est un archipel pour reprendre l’idée de Jérôme Fourquet. Le discours du « plus jamais ça » ne s’est JAMAIS concrétisé depuis son apparition en 1919, car il se contente d’être moral et non pragmatique.

 

Jamais l’écart entre le futur désirable et le futur probable n’a été aussi grand. Cet écart entre le pays rêvé et le pays vécu est nourri par des élites éclairées qui veulent porter l’utopie d’un monde meilleur à venir, mais en ne s’adressant qu’à des publics déjà convaincus car dans le même camp (CSP+, éduqué, urbain). En réaction, la sanction est très violente. La défiance à l’égard des marques et des décideurs a explosé depuis 3 ans. Une majorité de consommateurs ne se sent pas écoutée ni représentée (classe moyenne, déclassé, France périphérique). Tous les discours et offres « green / solidaire » n’ont pas enrayé ce phénomène. Il y a donc quelque part une erreur de diagnostic sur les attentes réelles de la majorité.

 

Pourquoi voit-on partout des chiffres qui semblent faire consensus sur cette belle France green, bio, solidaire, citoyenne, anti-mondialiste, tolérante,… Car c’est devenu une nouvelle doxa «mainstream» qui a créé de nouveaux tabous. Déclarer ne pas en être, fait de chacun un mauvais citoyen culpabilisé. Mais l’épreuve de réalité est implacable. Par exemple, il faut juste rappeler que le bio ne représente que 6% des dépenses alimentaires des Français, alors que sa présence dans les médias est omniprésente! (source: LSA 2019)

 

Un consommateur paradoxal face au covid-19

 

Prenons un exemple pour être plus clair. Dans la dernière édition de l’étude «Moi jeune» parue en avril 2020 (baromètre Millennials du quotidien 20 Minutes , on apprend que 60% des 18-30 ans pensent qu’après la crise du Corona le monde ne fonctionnera plus comme avant! Pourtant 75% pensent que le système économique ne changera pas ou peu. Comment comprendre ce paradoxe? Sur ces sujets, il y a toujours deux désirs qui s’opposent.

  1. Le désir d’être intégré: adhérer au discours social dominant par conviction ou conformisme (nouveau monde à venir, green, féminisme, solidarité retrouvée,…). Ne pas y souscrire demande trop de justifications risquées. Avouer prendre l’avion, manger de la viande, acheter de la « fast fashion », ne pas s’intéresser à #metoo et penser égoïstement à sa propre survie après le confinement est devenu le summum du tabou social
  2. Le désir de s’en sortir: maximiser son pouvoir d’achat, échapper à la précarité, se sentir en sécurité, tirer son épingle du jeu, ne pas être dupe du camp du « bien », se fier à sa propre expérience quotidienne

 

Voilà pourquoi 82% des Français déclarent vouloir adopter une consommation citoyenne, alors que seulement 41% la mettent vraiment en pratique régulièrement. La moitié à peine! (source étude Storymind janvier 2020, terrain Opinion Way)

 

C’est ce qu’on appelle la pensée émotionnelle ou religieuse: je sais bien que… mais je fais quand même… J’aimerais bien… mais je n’ai pas le choix. Ce schéma de pensée fait son grand retour dans un contexte d’injonctions paradoxales et de désenchantement rationnel. Il produit un écart entre le DIRE et le FAIRE. Par ailleurs, c’est écart est décuplé sur les réseaux sociaux. Or, de nombreuses études très sérieuses prennent au pied de la lettre le social-listening, comme si «liker» correspondait à un engagement réel qui se traduit par des actes concrets et durables. Pour beaucoup, il s’agit seulement d’exister et de se valoriser dans un espace de discussion éphémère et non impliquant.

 

  

La peur créee par le corona virus renforcent les attentes paradoxales

 

Un équilibre à trouver entre RSE et bénéfices concrets immédiats

Etre plus à l’écoute de la réalité des consommateurs et moins de leurs déclarations

 

Dans les périodes de doute, de danger, de survie, le réflexe naturel des gens en difficulté est de se sauver soi-même, et non de sauver le monde, la planète, la société ou les démunis. Toutes les périodes de reconstruction privilégient les urgences de court terme au détriment des exigences de moyen terme. On peut le déplorer, mais c’est une constante historique très puissante. Cette minorité d’acheteurs vertueux et de citoyens solidaires tant attendue, n’est pas prête de massivement décoller dans un moment de sortie de crise.

 

C’est là où on voit que les marques et leurs agences n’ont pas bien assimilé la question du sens! Leur vision du «purpose» est le plus souvent macro: planète, vivre ensemble, solidarité corona,… et pas assez «micro»: rester accessible au plus grand nombre, être utile au quotidien, réconforter, vaincre la solitude, faciliter un quotidien augmenté,… Bref, leur recherche de sens est trop «brand centric» et pas assez «user centric».

 

Qu’est-ce que cela signifie pour les contenus de marques et de médias pour l’après Corona? Il faudra ruser entre les enjeux RSE et les bénéfices concrets pour les consommateurs, entre le macro-monde vertueux et le micro-monde rassurant. Et si nous commencions par mettre en perspective quelques lieux communs sur l’après corona qui dominent actuellement dans l’arène marketing / com / média?

 

5 enjeux clés pour 2021 à destination des marques et des médias

 

Voici 5 enjeux fondamentaux «oubliés» que les marques et médias vont devoir gérer pour 2020 / 2021. Il ne s’agit pas de les opposer à la doxa «mainstream», mais de les hybrider pour trouver le bon équilibre dynamique, et avoir une chance d’être audible entre volontarisme désirable et réalisme probable:

 

  1. La responsabilité sociale des marques (Vs le seul discours green)
  2. Le renforcement de l’achat accessible (Vs l’achat responsable parfois culpabilisateur)
  3. L’accentuation de l’archipel Français (Vs le rêve d’une solidarité harmonieuse)
  4. La nostalgie rassurante (Vs l’innovation à tous prix)
  5. La sincérité d’un discours modeste (Vs la recherche ambitieuse de sens)

 

A suivre donc.

 

Bien raconter son époque, c’est d’abord la comprendre. Ça tombe bien, c’est la devise de Storymind.

 

Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay

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