MOVIE STORY TRENDS

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Le cinéma, c’est comme la mode ! Il y a des tendances qui colorent l’année en cours. Les films nous tendent un miroir qui reflète l’air du temps. Ils véhiculent les émotions collectives de l’époque, la mécanique des désirs, les questions qui font sens. C’est un laboratoire « haute couture » en avance sur les narrations qui créeront de l’attention pour les médias, les marques ou la parole citoyenne. Raison de plus pour décrypter l’imaginaire de la rentrée depuis fin août 2018.

 

Disons-le d’entrée de jeu. La tendance globale raconte comment s’en sortir dans un monde hostile et imprévisible. Mais ce qui est marquant, c’est que les récits apportent des réponses très simples et intemporelles dans un contexte complexe et en disruption : la recherche d’harmonie avec les proches, la confiance, le courage, la paternité bienveillante, les rites de passage, l’évasion par l’art, la nostalgie des années 60 à 90,… Bref, retrouvons le socle de notre humaine condition !

 

D’un côté, les metteurs en scène décrivent un monde sombre, complexe, peuplé de faux-semblants. Ils se font les témoins des grands enjeux du moment. Certains arrivent à en rire avec quelques comédies, mais elles sont peu nombreuses. L’heure est grave :

 

  1. L’altérité altérée. Le rapport à l’autre est problématique car hostile, indifférent ou fataliste: racisme, sexisme, handicap, disqualification sociale, discrimination, exploitation… (BlacKkKlansman, Invasion, Silent Voice, Vaurien, Ma fille, Blindspotting, Nota, La particule humaine). De son côté, le monde politique est vu comme une farce cynique et désenchantée (Le Poulain, Donbass, Silvio et les autres, Kursk)

 

  1. Les personnages ne sont pas ce qu’ils paraissent : face cachée, infiltré, masque, jeux de rôle, ambivalence, transformation, persona, symbiote. La vérité n’est pas immédiate. Les apparences et le « fake » doivent être décodés (L’amour est une fête, Lukas, Frères ennemis, L’ombre d’Emily, Venom, En liberté, Chacun pour tous, BlacKkKlansman)

 

  1. Les sens et le réel sont troublés. La réalité et l’imaginaire ont des limites incertaines : surnaturel réaliste, magie, fantôme, para-psychologie, maladresse vis-à-vis de la réalité augmentée (Okko et les fantômes, Invasion, J’ai perdu Albert, La Nonne, La prophétie de l’horloge, The little Stranger, Hostile, Johnny English contre-attaque)

 

  1. La nature vengeresse est source de menace et de danger pour l’homme. Le monde animal est plus fort que l’humain (En eaux troubles, Alpha, The predator). Au contraire, ce sont les documentaires sortis en salles qui s’émerveillent devant la nature (Un nouveau jour sur terre, Le temps des forêts, 16 levers de soleil)

 

Dans ce climat dur, le cinéma n’oublie pas qu’il est aussi source d’espoir, de « feel good », de renaissance, d’évasion. Il nourrit une petite lueur qui fait du bien face au chaos et au désenchantement :

 

  1. Les proches, ces nouveaux inconnus à apprivoiser en dépit des différences : rivalité fraternelle à réguler, incompréhension familiale à éclaircir, habiter avec un ex, mise à nu dans le regard de l’autre. C’est dans l’espace proche que s’expérimente le sens, la morale, l’humanité, la justice… et pas dans la société (Frères ennemis, Les frères Sisters, I feel Good, L’amour flou, Leave no trace, Nos batailles, Le jeu, Yeti & compagnie, Touch me not)

 

  1. Les personnages féminins font preuve de courage, de dépassement, de résilience (Voyez comme on danse, Hostile, Les oiseaux de passage, RBG, Domingo), au point de devenir parfois durs dans leur vengeance (Madame de Joncquières, Peppermint, Breaking In, En mille morceaux)

 

  1. De son côté, le masculin est souvent diminué, fragile, accidenté, marginalisé, en souffrance, précaire… mais en quête de renaissance :
  • Soit avec l’amour salvateur (A star is born, Bonhomme, Sauvage, Sheherazade, Amin, The happy Prince, Galveston, En liberté)
  • Soit avec la paternité bienveillante (Ma Fille, Thunder Road, Leave no trace, De l’ombre il y a, Nos batailles)
  • Soit dans l’aventure technologique (First man, Upgrade)
  • Soit à travers le sport (Le grand bain, Chacun pour tous)

 

  1. Les rites de passage et d’apprentissage ont à nouveau le vent en poupe dans un époque sans référent quand on est jeune. Il permettent de se confronter au réel, et font passer un cap pour devenir adulte (Première année, They, De chaque instant, Kin : le commencement, Le Poulain, Fortuna, Alad’2, Girl, Capharnaüm, Seule la vie)

 

  1. Les années 60 à 90 ont inspiré les metteurs en scène. Elles représentent un imaginaire où les dualités paraissaient plus claires, avec des combats et des oppositions plus tangibles: homme / femme, ami / ennemi, exploitant / exploité, parent / enfant, est / ouest, confiance dans l’avenir / défiance du passé . C’était avant l’hybridation générale et la déconstruction des référents à l’ère digitale (BlacKkKlansman, L’amour est une fête, First man, Guy, Whitney, Climax, Le flic de Belleville, The House That Jack Built, Cold War, Quién te cantará, Bohemian Rapsody, Silvio et les autres)

 

  1. L’art et la pop-culture apparaissent plus que jamais comme la voie royale pour s’inventer. La vie des artistes continue d’inspirer le cinéma, pour échapper au principe de réalité et à l’oppression du quotidien (A star is born, Bohemian Rapsody, Under the silver lake, Quién te cantará, Dovlatov)

 

Cette rentrée cinéma parait au premier regard assez académique. C’est parce qu’elle cherche à nous rassurer sur la pérennité et la force des sentiments humains pour rendre la vie plus habitable. Quoi de plus normal à une époque complexe, incertaine et déshumanisante ? Comme l’a dit François Truffaut, « on va au cinéma pour vivre une vie que l’on n’a pas ».

 

Bien raconter son époque, c’est d’abord la comprendre!

 

Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay

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